La promesse de travaux de rénovation énergétique à un coût symbolique de 1 euro tente et inquiète nombre de particuliers cherchant à améliorer l'efficacité énergétique de leur logement. Cependant, derrière ces offres alléchantes se cachent des réalités complexes et souvent frauduleuses. Les enquêtes menées par des organismes tels que l'UFC-Que Choisir et Le Moniteur ont mis en lumière certains risques dissimulés derrière ces devis à 1 euro que nous complétons avec d'autres éléments remarqués sur le terrain.
Au cours de cet article, nous reviendrons sur les avantages apparents de ces offres, les raisons pour lesquelles elles prospèrent, les risques liés au service après-vente et celui de non perception des aides en raison de la participation plus ou moins volontaire à un schéma frauduleux. Le tout illustré par des cas concrets mis en lumière par ces enquêtes et notre expérience au quotidien.
Comme on dit chez Homyos, "le pas cher coûte cher dans le temps" et avant de choisir la solution la moins chère, il faut en comprendre tous les enjeux pour ne pas le regretter dans la durée. Voici quelques éléments d'explication.
Constatée sur le terrain par nos équipes et également par le nombre de demandes sur les blogs spécialisés, la popularité croissante des devis à 1 euro repose en grande partie sur des travaux de rénovation énergétique importants financés en totalité par les aides. Les incitations à choisir cette option semblent évidentes au premier abord. Qui ne serait pas tenté effectivement par cette perspective de rénovation gratuite ou à 1 euro ?
Les schémas de travaux de rénovation financés en totalité par les aides (CEE et MaPrimeRenov) existent depuis plusieurs années avec notamment l'isolation des combles à 1 euro ou la chaudière gratuite et les particuliers qui en ont profité peuvent s'en féliciter. Ils sont doublement gagnants en ayant pu bénéficier de travaux gratuits et d'économies d'énergie dans la durée.
Cependant, ces offres-là ont pris fin en juillet 2021 (voir https://www.economie.gouv.fr/cedef/isolation-un-euro) et il n'est théoriquement plus possible d'avoir un devis 100% financé par les aides, avec la mise en place d'un plafonnement des CEE et de MaPrimeRenov'. Et pourtant, de nombreux particuliers ont entre leurs mains en 2023 un devis avec un reste à charge nul, comment est-ce possible?
Le schéma classique d'une rénovation globale gratuite ou à 1 euro est proposé par une entreprise qui déduit directement de sa facture le montant des Certificats d'Economie d'Energie financés grâce au partenariat avec un fournisseur d'énergie, par exemple Total Energie ou Engie, ou un délégataire, par exemple Teksial ou Ofee. L'opération clef-en-main permet de valoriser ensuite un dossier de BAR-TH-164 et de financer l'entreprise intervenante. Ce schéma complexe fait intervenir un auditeur énergétique et un bureau de contrôle Cofrac complaisants et est difficilement compréhensible par un particulier ou même un installateur concurrent.
La raison pour laquelle seules certaines entreprises peuvent proposer ce schéma est que le calcul des aides CEE dépend de la différence entre un audit initial et une situation finale après travaux. Pour pouvoir bénéficier d'un montant d'aides qui couvre la totalité des travaux, l'auditeur énergétique produit une étude "complaisante" voire truquée qui "vitamine" le gain entre les deux situations initiales et finales. Homyos a pu constater des études qui, entre autres, ignoraient la chaudière en place pour dire que le logement était chauffé par un poêle à bois, "oubliaient" l'isolant déjà en place dans le bâtiment, augmentaient significativement la surface habitable ou dégradaient fortement les paramètres de l'audit initial avec des résistances thermiques imaginaires.
Par ailleurs, le scénario de travaux proposé dans le devis permet le plus souvent d'atteindre une performance énergétique maximale (<70kWh/m2 soit l'étiquette énergétique finale en A) avec une isolation de combles et l'installation d'une Pompe à Chaleur Air/Eau avec un Chauffe-Eau Thermodynamique (CET). Homyos réalise des chantiers de rénovation performante tous les jours et peut témoigner que c'est impossible d'atteindre une telle étiquette énergétique sans traiter l'isolation des murs, des planchers-bas et de traiter les points singuliers avec un test d'étanchéité à l'air en fin de travaux. Il faut donc un combo entreprise de travaux + auditeur énergétique + bureau de contrôle complaisants pour voir les aides gonfler fortement. Homyos constate en moyenne une multiplication des aides par 4 sur les devis étudiés par rapport à la réalité.
Tout d'abord, ces schémas sont complexes et les responsabilités sont diluées auprès de plusieurs intervenants. En mettant en place ce dispositif d'incitation à la rénovation globale en 2021, les autorités compétentes (DGEC, PNCEE) misaient sur la capacité de contrôle des différents organismes (COFRAC, OPQIBI) qui encadrent les intervenants du secteur. Malheureusement de nombreuses nouvelles sociétés ont rapidement vu le jour et obtenu des agréments probatoires leur permettant de valider les opérations. Les procédures de contrôle et d'encadrement en place n'ont pas pu empêcher cela et même si elles interviennent, elles durent trop longtemps et ne sont pas rétroactives sur les chantiers réalisés entre-temps. Selon Pierre Pichère, rédacteur en chef du Moniteur, 30% des bureaux de contrôle COFRAC sont concernés. Et l'OPQIBI ne communique pas sur ses contrôles.
Une autre clef de lecture qui permet de comprendre le laissez-faire de tels schémas frauduleux est que, comme le signalait il y a quelques mois Hugues Sartre dirigeant d'Homyos, il n'y a pas de véritable perdant à un tel schéma : le client ne paie rien, les chantiers sont faits, le bureau d’étude a du travail par dessus la tête, le bureau de contrôle idem, l’obligé obtient des CEE en quantité importante, le Gouvernement peut afficher l’atteinte des objectifs de rénovation énergétique. TOUT le monde est gagnant. Tout le monde, sauf les entreprises & artisans qui n’ont pas recours à ce genre de méthodes, les particuliers qui prennent des risques dans la durée et la réalité des économies d'énergie réalisées.
Cela dit, il y a quand même eu plusieurs tentatives pour contrôler cette fraude avec la modification des textes réglementaires : il n'est par exemple plus possible depuis le 01/08/2023 d'obtenir plus de 25000€ d'aides CEE sur une rénovation globale (date de signature du devis faisant foi). Et l'année prochaine, un nouveau dispositif entre en vigueur et tout projet de rénovation globale devra passer entre les mains d'un opérateur Mon Accompagnateur Renov' agréé et des services d'instruction de l'ANAH, en espérant que cela permette d'enrayer les schémas frauduleux.
Malgré tout, les particuliers continuent actuellement de recevoir des devis avec des aides basées sur l'ancien système de calcul de la BAR-TH-164 (avant le 01/08/2023) ce qui permet à l'installateur d'atteindre la gratuité des travaux sur le schéma décrit précédemment. Et cela peut durer jusqu'en juin 2024 puisque c'est la seule échéance définie dans les textes réglementaires. Certains particuliers sont d'avis d'en profiter quitte à antidater les documents, en se disant que de toute façon c'est gratuit et que le risque est donc limité pour eux.
Homyos vous explique les risques que vous prenez en vous engageant dans un tel schéma.
En s'engageant dans une opération avec un antidatage des documents (devis, audit etc.) et en acceptant le trucage qui permet la bonification des aides, vous changez la nature de la relation avec l'installateur qui interviendra chez vous. D'une certaine manière, vous lui devenez redevable de vous faire profiter d'un montant d'aides "vitaminé". Cette situation n'est pas très agréable pour un pilotage de chantier serein et vous desservira soit pendant le chantier, soit a posteriori.
Chez Homyos, nous avons régulièrement des particuliers qui nous contactent en nous demandant de réintervenir chez eux après un chantier à 1 euro car il y a des malfaçons ou des factures d'énergie plus importantes qu'avant car la maison n'est pas suffisamment isolée ou le réseau de radiateurs n'est pas adapté à l'installation d'une Pompe à chaleur. Et la société intervenante ne donne pas suite ou ne sait pas répondre à la demande du particulier.
Les installateurs capables de proposer ce type de schéma sont souvent basés loin de chez vous et leurs sociétés ont une durée de vie limitée. Par conséquent, l'exercice d'une garantie ou le rappel d'un intervenant pour un SAV sera limité voire impossible dans la durée. Le prix que vous demandera un nouvel intervenant sur une installation de moins de 2 ans qu'il n'a pas réalisée - si déjà il accepte de le faire - vous fera regretter de ne pas avoir consacré ce budget-là dès le départ.
En vous engageant dans une opération à un euro, vous prenez également le risque de non-perception des aides. Les autorités ont significativement augmenté les contrôles et sont capables d'annuler a posteriori les dossiers d'aides si elles détectent une fraude potentielle. Si l'installateur ne perçoit pas les aides, si le fournisseur d'énergie se fait annuler les CEE déduits de votre facture, les Conditions Générales de Vente du devis que vous signez peuvent prévoir que vous êtes redevables de ce montant-là. Vérifiez bien tous les documents avant de les signer pour mesurer les risques que vous prenez.
Le délai de contrôle potentiel d'un dossier CEE est de 9 ans. Si l'installateur choisi n'est plus là dans 9 ans, vous vous retrouverez seul en face en cas de contrôle. Même si le risque est faible, en étant partie prenante d'un schéma frauduleux d'antidatage ou de fausses déclarations, vous pouvez être amené à rembourser le montant perçu de manière indue.
Certains devis sont signés avec un crédit consommation qui vient préfinancer le montant des aides, le temps d'obtenir leur remboursement qui prend 6 mois, voire parfois un an. Les exemples de dossiers d'aides qui ne sont pas allés au bout sont nombreux, le particulier se retrouvant néanmoins avec un crédit à rembourser sans recours possible. Prenez le temps de lire attentivement tous les documents avant de signer quoi que ce soit.
Un autre risque que prend le particulier en s'engageant dans un tel schéma est que l'étiquette énergétique de son logement après les travaux réalisés sera "vitaminée" par rapport à la réalité. Le logement sera réputé avoir atteint l'étiquette énergétique A ou B (vérifier dans le dossier administratif ou auprès de l'installateur) alors que la réalité sera bien différente. L'audit est public et valable pour les 5 prochaines années. Si on se rend compte a posteriori qu'il diffère de la réalité, cela attirera l'attention et une enquête pourra avoir lieu. A savoir qu'il est demandé systématiquement pour toute mutation du bien (vente, mise en location) et qu'il peut être comparé avec les autres versions des DPE existants.
Homyos vous recommande de bien demander l'audit aux différents intervenants de votre chantier. C'est une pièce préparée et utilisée par l'installateur pour la constitution du dossier d'aides auprès de l'obligé CEE mais dans le scénario classique observé sur le terrain, le particulier n'y a pas accès.
Dernier point important à prendre en compte, les économies envisagées sur vos factures d'énergie risquent de ne pas être au rendez-vous dans la durée. En faisant appel à des installateurs qui pensent plus à valoriser un dossier d'aides qu'à réaliser des travaux performants, vous réaliserez des travaux qui auront un moindre impact. Même si cela ne vous coûte rien cette fois-ci, le jour où vous déciderez de réaliser des travaux performants pour arriver vraiment en étiquette A, vous ne pourrez plus faire appel à ces mêmes aides.
Même si pour un particulier la proposition de travaux à un euro peut être extrêmement tentante, il faut bien étudier toutes les conséquences avant de faire son choix. Homyos conseille aux particuliers de chercher à comprendre le mécanisme (et ce n'est pas facile) avant de s'engager dans des travaux d'une valeur de plusieurs dizaines de milliers d'euros.
Il existe par ailleurs un super outil de financement du reste à charge avec l'eco-prêt à taux zéro qui permet de vous engager dans des travaux de performance énergétique en faisant bien les choses et sans avoir à investir votre épargne. Sur une rénovation performante, les économies réalisées dans la durée permettent de rembourser le prêt.
Et pour finir sur une bonne nouvelle, sachez qu'à partir de 2024 les aides augmentent sensiblement pour inciter les particuliers à passer à l'action - et sans besoin de "vitaminer" les opérations. Prenez le temps de faire le comparatif, c'est souvent plus intéressant et beaucoup moins risqué que de choisir un devis à un euro.
N'hésitez pas à contacter Homyos pour tout complément à cet article ou toute remarque :